[1 livre, 1 recette] Affaires de goût de Camille Labro et Julie Balagué
Une chronique d'Affaires de goût, un livre de Camille Labro et Julie Balagué autour des plats fétiches de divers personnalités de la cuisine

Ma critique d'Affaires de goût
Cela vous arrive-t-il aussi, de sauter les pages d'un magazine pour lire vos rubriques préférées, quitte à laisser de côté les 3/4 de la revue ? J'espère que je n'étais pas la seule à faire ça ! A emprunter des magazines à la bibliothèque pour en lire seulement 4-5 pages, comme Glamour dont j'aimais curieusement beaucoup les pages Culture, ou les Inrocks pour leurs critiques ciné et leur courbe de la hype.
Une autre rubrique que j'affectionnais particulièrement était "Affaire de goût" dans le magazine du week-end du Monde. De quoi parle cette rubrique ? Le mieux est de laisser la parole à l'auteure, Camille Labro, en introduction du livre :
Notre première "Affaire de goût" est parue dans M le magazine du Monde en septembre 2012. L'idée était simple : il s'agissait de faire parler quelqu'un à travers la cuisine, plus précisément autour d'un plat. Un plat-mémoire, cher à son coeur, un plat à histoires, une recette à tiroirs... Un mets qui permette d'évoquer le passé et le présent de la personne, de petites anecdotes ou de grandes idées dans le murmure des casseroles... Bref, les "madeleines" de chacun. Camille Labro, Affaires de goût, p 7
A l'époque, je n'étais pas aussi passionnée par la bouffe que je ne le suis maintenant, je ne connaissais pas la grande majorité des personnes interviewées, mais j'aimais découvrir ce qui touche les autres, lire des histoires qui mêlaient l'intime et des choses beaucoup plus vastes. Ces "Affaires de goût" étaient si bien écrites que je ressentais pleinement l'émotion de la personne interviewée à raconter ce plat. L'espace de quelques lignes, je pouvais rêver de plats et d'histoires de famille qui étaient pourtant bien éloignés de mon univers.
Je ne sais plus quand j'ai lu une "Affaire de goût" pour la dernière fois, toujours est-il que lorsque j'ai vu récemment qu'un livre compilant 80 de ces articles avait été publié au Rouergue, je me suis immédiatement rappelée cette rubrique que je cherchais dans les pages de M il y a des années. Ca a été une grande joie de découvrir ou redécouvrir ces "plats à histoire", surtout avec la relation nouvelle que j'ai maintenant avec la bouffe.


Les profils sont variés - designers, comédien(ne)s, artistes, artisan(e)s, chercheurs ou chercheuses, journalistes, restaurateurs... - même s'ils ont un point commun, d'avoir un travail ou mené des projets en lien avec la nourriture. Les plats racontés sont également divers, de spécialités traditionnelles bien ancrées dans notre patrimoine à des madeleines de Proust extrêmement personnelles.
Mais aussi différents ces plats-mémoire soient-ils, certains thèmes en commun se révèlent au fil de la lecture : l'enfance et l'héritage familial évidemment, l'importance des aïeules, mais aussi des parents, des amis, des conjoint(e)s et des rencontres fortuites. L'attachement profond à un terroir ou une région, qu'elle soit d'adoption ou dans ses racines. L'idée que la nourriture se conjugue souvent avec la notion de partage. Que celle-ci n'est jamais juste un assemblage d'ingrédients, mais qu'elle raconte toujours quelque chose de plus, parfois de la sphère de l'intime, parfois d'ordre culturel, voire politique, parfois des trois en même temps. C'est passionnant de voir se tisser ces fils rouges entre les différents articles.
Et puis il y a évidemment la curiosité de découvrir ces recettes parfois inattendues. Ce serait impossible de les résumer toutes, mais je peux en citer quelques unes pour vous faire une idée : la salade-omelette du jardin de Pierre-Alexandre Risser, le couscous de Morteau de Sébastien Demorand, la soupe aux huîtres de Laurence Mahéo, la salade de poulet au pot-au-feu de Delphine Zampetti...
En lisant ces recettes, j'ai retrouvé cette sensation bien connue du plat déjà fait mille fois qu'on connait sur le bout de nos doigts, qui n'appartient parfois qu'à nous et nos idiosyncrasies, et qu'importe s'il ferait sourire d'autres personnes, c'est notre recette. Des recettes qu'on a envie ensuite de partager avec ceux et celles qu'on aime, ou à une oreille bienveillante...
Au fil des interviews, dégustations et séances photos avec Julie, nous avons fait des rencontres magnifiques. Nous nous sommes attablées dans l'intimité des gens, dans leur cuisine ou leur jardin. Et ils se sont "mis à table" pour nous. Autour d'un plat, nous sommes devenus amis, le vouvoiement laissant place au tutoiement dans la vapeur des marmites. Quelque dois, le rendez-vous s'est fait dans un café ou sur un banc public, terrine ou cocotte sous le bras. D'autres fois encore, tout s'est passé dans ma cuisine, sur ma gazinière vétuste, mais capable de faire frémir le plus tonitruant des ragoûts. Nous avons beaucoup ri, et pleuré un peu, aussi. Car les gens sont fréquemment au bord des larmes quand ils parlent de leur plat de prédilection. Certains m'ont même dit avoir eu l'impression de passer sur le divan du psy. Preuve, s'il en fallait, que la vraie cuisine n'est pas qu'une affaire d'estomac, mais aussi de coeur est d'esprit. Camille Labro, Affaires de goût, p 8
Bref, je vous conseille bien entendu de découvrir ces "Affaire de goût" si vous ne les avez pas encore lus. Sur Internet, où de nombreux articles sont disponibles en remontant les archives de Camille Labro, dans le livre... Ou au petit bonheur la chance en tombant sur des vieux numéros de M !
En attendant, si je devais vous conseiller une "Affaire de goût" pour démarrer, ce serait celle d'un auteur et illustrateur bien connu, Guillaume Long : à lire ici. Le créateur d'A boire et à manger est un des tous premiers "auteurs culinaires" à m'avoir fait rire avec des histoires toutes personnelles de bouffe et son insatiable curiosité - et appétit ! Il n'est sans doute pas pour rien dans ma présence ici, alors il m'a semblé approprié de choisir son portrait, surtout que son plat madeleine n'est autre que la pasta al ragù, un plat que j'aime également beaucoup (sur le site, ils ont gardé le titre "les pâtes bolognaises", mais le livre reprend le nom italien).

L'ingrédient secret et quelque peu inorthodoxe de Guillaume Long sont - je vous spoil un peu ! - les clous de girofle. Moi c'est les zestes de citron et d'orange. Enfin, c'est pas vraiment un ingrédient secret, je le tiens d'un autre livre bien connu Salt, Fat, Acid, Heat de Samin Nosrat.
Et moi, c'aurait été quoi, mon "plat-mémoire" ?
J'ai pas mal hésité jusqu'à ce que la réponse m'apparaisse comme une évidence lorsque j'ai eu envie de manger mon "plat-mémoire" il y a quelques semaines. J'ai repensé à ce livre qui attendait depuis des mois d'être chroniqué, tout s'est agencé dans ma tête, j'ai rédigé cette newsletter dans la foulée et voilà.
J'avoue que mon texte sera plus égocentrique que la majorité des portraits de Camille Labro qui tournent souvent autour de figures tutélaires, ou des plats qu'on confectionne avec amour pour les autres. Pour moi, rien de tout ça, c'est un plat que je ne prépare que pour ma pomme, voilà, c'est dit ! Et en plus, vous verrez que ce n'est même pas un vrai plat, j'ai ri en rédigeant les instructions, comme il y a strictement zéro cuisine dans ce plat ! Face à la légendaire tarte au citron de Jacques Génin, ou l'imposant koulibiac au saumon d'Alain Drouard, mon petit plat ne fait pas le poids... Mais c'est aussi ce qui fait son charme.
Bref, voici mon "Affaire de goût", évidemment moins bien écrite que par Camille Labro, mais qui j'espère vous plaira aussi !

Ma "salade chère"
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