[GUIDE] Mes 5 critiques de livres de cuisine préférées

Rebonjour et encore une fois, félicitations pour avoir embarqué vos proches dans nos aventures culinaro-littéraires ! 🥳
Je vous partage donc aujourd'hui cet article inédit, toujours caché sur le site, avec 5 critiques de livres de cuisine qui m'ont marquée, et qui d'une façon ou d'une autre m'ont inspirée dans ma façon d'écrire ma newsletter.
Je ne vous cache pas que c'est un peu stressant pour moi. Pas pour le côté "je vous montre mes sources d'inspiration", ça c'est chouette. Mais parce que ces 5 articles, écrits pour la plupart par des auteur(rice)s professionnel(le)s sont, je trouve, cent fois mieux rédigés que les miens...
Et oui, je sais que c'est normal ! N'empêche. Je me sens comme si je vous présentais un tableau de Goya comme étant ma source d'inspiration pour des gribouillis aux feutres Crayola 😅 Donc je suis contente de partager avec vous ces articles que j'adore, mais j'espère juste que vous aimerez quand même toujours mes p'tits gribouillis aux feutres après 😅
Cooking with the Gilmore Girls, allegedly de Kelly Connaboy (Gawker) et It's judgment day for Paul Hollywood de Dayna Evans (Eater US)


Ces deux articles ont des styles et des sujets très différents. Mais je les mets ensemble comme ils font tous deux précisément ce que je ne parvenais pas à trouver dans aucune des critiques de livres de cuisine en français, et que j'ai voulu dès le début inclure dans la newsletter : un test détaillé des recettes.
Et ces tests n'étaient pas juste du : "j'ai fait la recette et c'était bon/pas bon", comme on en voit partout sur Instagram. Au contraire, j'avais été frappée de voir comment les auteur(rice)s parvenaient à rentrer dans le détail, à décrire les étapes, les résultats, ce qui les avait interpellés, gênés ou au contraire enthousiasmés, et ce même quand le format était assez court.
L'article sur le livre de recettes de Gilmore Girls est génialement honnête : on pourra tous(tes) se reconnaître dans ces photos en bazar qui semblent avoir été prises à l'arrache, et dans ces plats qui assument leur imperfection. Que l'autrice me pardonne, mais j'avoue avoir ri en voyant sa photo de salmon puffs, où les choux manquaient clairement de coloration 😅
Si l'article de Gawker est en mode pop culture et rigolade, celui de Eater se veut évidemment plus sérieux, quoique pas complètement dénué de mauvaise foi et d'esprit revanchard, rivalité américano-britannique oblige. Mais les deux articles faisaient quand même ce truc génial de vraiment tester des recettes, même si parfois avec réluctance comme dans la vraie vie.
A poster child for the immigrant kid cookbook de Maya Meredith (The Kitchen review of books)

C'est vraiment triste que Maya Meredith, une fundraiser pour ONG de profession, ait arrêté sa newsletter. Mais il reste les archives de son Substack, et notamment cet article, son dernier, qui m'avait marquée par son mélange entre critique de livre et contextualisation.
En l'occurrence, elle s'intéresse au best-seller d'Eric Kim, Korean American. Certes, elle chronique et teste l'ouvrage comme dans une classique review de livre de cuisine. Mais elle évoque également plusieurs sujets à la croisée entre cuisine, food media et société.
Elle aborde ainsi l'évolution de la perception publique de la cuisine asio-américaine, et comment l'expérience toute particulière des immigrés de seconde génération, qui ne "sont jamais vraiment visibles", a nourri leur façon de cuisiner.
Mais j'ai aussi trouvé ça intéressant qu'elle parle des clichés de narration ("tropes") dans la cuisine asio-américaine, notamment l'image récurrente de la mère. L'omniprésence de cette dernière ne relèverait pas seulement de l'histoire réelle et sincère des auteur(rice)s, mais aussi d'une stratégie éditoriale pour rendre ces cuisinier(e)s non-blancs plus faciles à appréhender pour le grand public. Elle se demande donc si ce livre d'Eric Kim, énorme succès éditorial outre-Atlantique, ne deviendra pas, "pour le meilleur et pour le pire", le modèle de ce qu'un livre de cuisine d'immigrés de première ou de seconde génération peut être.
Par son approche, l'autrice montre à quel point on peut aborder des thématiques passionnantes et importantes à travers ce que d'aucuns considéreraient comme "juste" des livres de recettes. C'est ça que j'aime dans l'écriture de Maya Meredith, et dans l'approche anglo-saxonne en général : cette façon de replacer la cuisine dans son contexte, en appuyant de manière frontale là où ça fait mal, notamment sur les questions raciales et économiques. Chose que j'ai pu voir par exemple en France dans des podcasts comme Kiffe ta race, mais très peu dans les médias culinaires. Et que j'espère pouvoir inclure au fur et à mesure dans la newsletter.
Catastrophic Cookbook Review – Umami Bomb de Jonathan O'Guin (Kitchen Catastrophe)

Voilà un blog de cuisine assez confidentiel je pense ! Il est tenu par Jonathan O'Guin, un comédien et homme de théâtre de profession, et sur qui je n'ai pas trouvé grand chose sur le net, chose rare !
Au moment où j'ai commencé à professionnaliser cette newsletter - aka quand j'ai lancé la version payante, je me suis mise à regarder les "bonnes pratiques d'écriture de newsletter". Et non, je ne m'étais même pas préoccupée de ça avant, figurez-vous ! 😅
Et c'est quoi alors, les bonnes pratiques ? Eh bien, on nous dit d'être le plus clair et lisible possible, de ne développer qu'une idée à la fois, de faire des textes organisés et clean pour le référencement Google et les lecteurs, etc. etc.
Sauf que quand j'en lis pour ma consommation personnelle, des articles ou des newsletters, je me rends compte que ceux qui me touchent le plus, ce sont les articles foutraques, déséquilibrés, qui n'en ont rien à fiche des conventions. Il sont effectivement un peu compliqués parfois à suivre, quand l'auteur(rice) part dans tous les sens. Mais ces textes sont vivants, imprévisibles, souvent drôles, et surtout subjectifs jusqu'à la moelle.
Alors certes, les critiques de Kitchen Catastrophe ont un semblant d'organisation avec ses fameux 5 critères (mais en fait y'en a 4, blague récurrente de ses reviews) : voice, production value, unity of theme et catapult effect. Mais franchement, elles partent quand même dans tous les sens. Entre les digressions ; les références de pop culture qui sortent de nulle part et que j'avoue je ne capte pas toujours ; les titres des paragraphe qui ne veulent rien dire, et les photos à l'arrache... Bref, ça y va ! 😅
Et rien que ça, c'est déjà génial. Mais ce que j'aime le plus chez Jonathan O'Guin est qu'il se permet d'écrire des caisses sur des aspects des livres de cuisine dont la majorité des gens n'en ont cure - mais qui parleront effectivement peut-être aux fous furieux du genre. Par exemple, dans cette review, il trouve que les intros aux recettes du livre sont trop parfaites pour être vraies. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Eh bien, allez lire... La cinquantaine (!) de lignes qu'il y a consacré 😅
D'un côté j'aime évidemment les reviews sérieuses et utiles. Mais j'aime aussi ces reviews qui sont juste un plaisir à lire, parce que drôles, déroutantes, trop pointues pour leur bien, et surtout foncièrement subjectives.
Bien que je ne sois pas dans ce style d'écriture, ça me rappelle que de temps à autre moi aussi je peux lâcher prise et assumer mes lubies :)
The Piglet (Food 52)

Venons-en à The Piglet qui est sans doute ma source de critiques de livres de cuisine la plus précieuse.
Le concept ? Pendant dix ans, des livres de cuisine ont été mis en compétition sur un mode 1 livre vs 1 autre livre. Un peu comme une coupe de monde de foot, mais avec des livres de cuisine ! Avec un premier tour, des quarts, puis des demi-finales, etc. Et à chaque tour, les livres étaient jugés par une personne qui n'intervenait qu'une seule fois dans la compétition.
Le concept était particulièrement jouissif, premièrement parce que les deux livres qui étaient mis en compétition l'un contre l'autre n'avaient souvent rien à voir. Imaginez un livre de cupcakes vs. un livre de cuisine perse, ou un livre de cuisine indienne vs. un livre de cuisine californienne. Donc déjà, il y avait un côté presque impossible à désigner un gagnant entre les deux livres. Ca laissait donc pleine liberté aux juges de faire leur choix sur les critères qu'ils voulaient. Des critères parfois valables, parfois moins...
Et ensuite, parlons-en, des juges. La plupart provenaient du monde de la cuisine ou des médias - des chef(fe)s, des auteur(rices) de livres de cuisine, des food writers, etc. Mais certains ne cultivaient pas de lien réel avec la cuisine, comme un journaliste radio ou... Freddie Prinze Jr (?!). Du coup, même si Food 52 balisait le terrain avec des juges qui globalement savaient cuisiner, l'accent était quand même mis sur l'aspect cuisine maison, et est-ce que les livres en compétition s'adaptent au quotidien de chacun ou pas.
Mais surtout, cette diversité des profils et des livres a donné des reviews extrêmement éclectiques. Certaines reviews étaient absurdement longues et d'autres trop courtes. Certaines se montraient très méthodiques et sérieuses, quand d'autres se voulaient plus drôles, plus personnelles ou s'avéraient borderline je m'en foutiste.
Mais à chaque fois, il y avait l'excitation de découvrir une nouvelle plume et de voir comment les auteur(rice)s allaient aborder l'exercice. Sur quels critères allaient-ils se baser ? Se sentiraient-ils obligés de dire quel type de cuisinier(e)s ils sont ? Ce qu'ils aiment et savent cuisiner ? Qui allait manger les plats réalisés, leurs enfants, leurs conjoint(e)s et comment faire quand ces derniers détestent les légumes ? Combien de recettes pensaient-ils devoir faire, aucune ou 20 ?
Une des meilleures parties de The Piglet était aussi la section commentaires, où les passions pouvaient se déchainer à propos des reviews, voire des réponses des auteur(rice)s aux critiques de leur livre - comme par exemple dans le cas de Mimi Thorisson, qui avait répondu à la review pas très heureuse de son livre.
Je suis loin d'avoir tout lu - encore une fois, c'est 10 ans d'archives ! - mais ces reviews sont pour moi une source d'inspiration et de réassurance sur le fait qu'au fond, aussi méthodique voudrais-je être dans mes newsletters, il y aura toujours une belle part de subjectivité, d'idiosyncrasie, voire une petite dose de mauvaise foi, parce que ça reste de la bouffe et qu'il n'y a rien de plus personnel que la bouffe.
Et c'est tant mieux.
J'espère que ces 5 articles/blogs/sites vous plairont autant qu'à moi !
Et à une prochaine pour un nouveau [GUIDE] sur le site ou via le système de parrainage ;-)